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à la naissance de l’ethnologie française

Les missions ethnographiques en Afrique subsaharienne (1928-1939)

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Les missions ethnographiques en Afrique subsaharienne (1928-1939)

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À propos

Objectifs et genèse de ce site

 Le site À la naissance de l’ethnologie française. Les missions ethnographiques en Afrique subsaharienne (1928-1939) est le résultat d’une collaboration entre trois partenaires : la Bibliothèque Éric-de-Dampierre du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, la Bibliothèque nationale de France et le musée du quai Branly - Jacques Chirac. Il correspond au volet thématique « Connaissance active du passé : pratiques et outils de transmission » au sein du programme scientifique Les passés dans le présent porté par l’Université de Paris Nanterre. Ce projet a un double objectif : éclairer l’institutionnalisation de l’ethnologie française et valoriser les collections ou les fonds d’archives ethnographiques de chaque partenaire en mettant à la disposition du public une somme de documents et d’analyses sur les missions effectuées en Afrique subsaharienne par la nouvelle génération d’ethnologues de métier.

 

 

Missions ethnographiques et institutionnalisation de l’ethnologie française

Entre 1928 et 1939, près d’une dizaine d’expéditions à destination de l’Afrique sont organisées par les élèves de l’Institut d’ethnologie, établissement universitaire fondé à Paris en 1925. Pour les étudiants français qui se destinent à une carrière d’ethnologue, partir sur un terrain exotique ou, mieux encore, diriger une mission ethnographique est désormais une étape incontournable de leur parcours professionnel et un moyen de faire leurs preuves. Marcel Griaule, l’un des premiers élèves de l’Institut d’ethnologie, est d’ailleurs le chef de la plupart de ces expéditions avant d’être élu, en 1942, à la première chaire d’ethnologie de l’université française.

Par leur succès médiatique, leurs méthodes et la quantité de matériaux rapportés, ces expéditions collectives contribuent à la reconnaissance de l’ethnologie française et au développement de ses deux institutions phares : l’Institut d’ethnologie, déjà mentionné, et le Musée d’ethnographie du Trocadéro, rénové à partir de 1928 puis remplacé par le musée de l’Homme en 1938. Les missions des années 1930 sont en effet les antennes mobiles, voire les caravanes publicitaires, des deux établissements scientifiques qui les parrainent : elles expérimentent et valident sur le terrain les méthodes enseignées par Marcel Mauss et Marcel Cohen à l’Institut d’ethnologie ; elles remplissent les vitrines du musée d’ethnographie puis du musée de l’Homme grâce aux milliers d’objets rapportés ; et enfin elles suscitent l’adhésion ou le soutien des médias et des politiques en profitant de l’engouement national pour l’« empire colonial français ».

Emblématique à plus d’un titre, la célèbre mission transafricaine Dakar-Djibouti (1931-1933) est d’ailleurs la seule expédition ethnographique française à faire l’objet d’une loi votée au parlement. Cette consécration nationale lui assure, sur place, la collaboration de l’administration coloniale, mais Dakar-Djibouti s’appuie également sur une campagne de presse intensive et sur quelques « coups » médiatiques pour obtenir le soutien financier de nombreux sponsors et mécènes. Par ailleurs, cette mission, comme toutes celles dirigées par Marcel Griaule, combine pluridisciplinarité, méthodes rigoureuses, prouesses scientifiques, explorations aventureuses et sauvetage culturel. Elle donne ainsi des ethnologues l’image de jeunes savants dynamiques et intrépides, découvreurs et archivistes de sociétés lointaines aux traditions préservées.

La plupart de ces missions accompagnent l’essor de l’africanisme et partagent d’autres points communs propres aux débuts de l’ethnologie française, en particulier l’importante participation des femmes, la volonté de promouvoir toutes les cultures sans les hiérarchiser, l’instrumentalisation du contexte colonial, le désir de tout saisir grâce à des collectes massives, la priorité accordée à l’étude de populations qui seraient encore vierges de l’influence européenne et, à l’inverse, l’occultation du milieu urbain et de la colonisation dans les travaux des ethnographes.

Écrits par des chercheurs de différentes disciplines, les nombreux textes du site – une cinquantaine aujourd’hui et sans doute près de cent par la suite – présentent chacune de ces missions ethnographiques, leurs acteurs de terrain (européens et africains), leurs méthodes, leurs partenaires institutionnels et leurs liens avec les milieux artistique, littéraire, médiatique ou politique.

 

Valorisation des archives et des collections ethnographiques

Pour les articles mis en ligne sur ce site, les archives et les collections ethnographiques sont, de loin, la première source d’information et d’illustration. La plupart de ces matériaux de terrain sont conservés aujourd’hui par les trois institutions partenaires du projet : les manuscrits éthiopiens sont à la Bibliothèque nationale de France, les objets ou les peintures au musée du quai Branly, et les notes de terrain à la Bibliothèque Éric-de-Dampierre du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (LESC), porteur du projet. Les deux dernières institutions se partagent également les photographies prises au cours des missions. La complémentarité de ces ressources archivistiques et muséales, leur numérisation massive et une volonté commune de valorisation permettent de réunir virtuellement fiches, carnets, objets et photographies en créant des liens entre les différentes bases de données et entre les divers fonds d’archives.

Les autres sources archivistiques et l’ensemble des références bibliographiques sur ces missions ethnographiques sont également signalées et éventuellement localisées afin de faciliter les recherches de tous ceux qui travaillent sur ces questions. Pour les mêmes raisons, les publications des membres des différentes missions sont répertoriées, parfois de façon exhaustive, et un grand nombre d’entre elles sont accessibles en texte intégral sur le site de la Bibliothèque nationale ou sur HAL-SHS.

Rassemblant l’ensemble des documents rapportés par une mission ou par l’un de ses membres, plusieurs fonds d’archives de la bibliothèque Éric-de-Dampierre ont joué un rôle essentiel dans la genèse de ce projet. Il s’agit des fonds Dakar-Djibouti, Marcel-Griaule, Gaston-Louis-Roux, Denise-Paulme, André-Schaeffner, Solange-de-Ganay et Jean-Paul-Lebeuf. Leur recueil, leur classement, leur numérisation et les études qui leur ont été consacrées sont en effet à l’origine d’une longue réflexion éthique et épistémologique sur les modalités éventuelles de leur valorisation, de leur mise en ligne et de leur restitution. Depuis 1999, ces questions ont été discutées par tous les acteurs concernés – du professionnel qui traite ces archives au chercheur qui les consulte – lors des manifestations scientifiques organisées à l’université de Paris Nanterre, en particulier au cours des colloques ou des journées d’études intitulés « L’ethnologue aux prises avec les archives » (2007), « Archives et numérisation » (2010) et « Les archives des ethnologues : pour quoi faire ? » (2014) [1].

Ces travaux antérieurs ont montré les écueils éthiques et scientifiques d’une mise en ligne systématique et intégrale des données de terrain. En effet, le risque d’un tel choix est de porter atteinte aux droits des ethnographes et des ethnographiés en rendant visible, aux yeux de tous, des images ou des écrits qui n’avaient pas vocation à l’être, par exemple des photographies de nus, des détails intimes, des informations sensibles, des propos diffamatoires, des données erronées… En outre, face à un fonds constitué d’archives ethnographiques, l’internaute, à moins d’être un chercheur, n’a pas les compétences ni les outils nécessaires pour avoir une lecture critique de ces documents. Il va donc traiter ce fonds comme une banque de données sur telle ou telle population et y puiser des informations isolées sans s’interroger sur le contexte de leur production et sur leurs éventuels biais méthodologiques.

Pour contourner de tels problèmes, ce site propose une alternative à la mise en ligne de ces fonds d’archives. Il privilégie l’éditorialisation d’une sélection de documents numérisés représentatifs des divers travaux, méthodes ou systèmes de notation propres à une mission ou à un ethnologue. Comme ces échantillons servent de témoignages et d’illustrations à des analyses expliquant en partie leur contenu ou leur forme, un tel choix permet de valoriser et de contextualiser les corpus d’archives dont ils sont extraits, dans le respect des principes éthiques qui ont guidé ce projet.

 

Histoire d’un logo

Le logo du site À la naissance de l’ethnologie française est doublement lié aux missions ethnographiques françaises en Afrique subsaharienne. Représentation d’un masque antilope walou, cette peinture dogon de l’auvent rocheux de Songo est décalquée en 1931 par les membres de l’expédition Dakar-Djibouti. Puis en 1935, ce walou stylisé est reproduit sur deux tôles fixées sur les ailes avant de l’une des deux camionnettes Renault de la mission Sahara-Soudan. Ainsi blasonné, le véhicule prend le nom de Walou (orthographié Walu) et, au terme du voyage, l’une de ses passagères – Solange de Ganay – dévisse l’une des deux tôles et conserve cette peinture emblématique dans ses archives, déposées aujourd’hui à la Bibliothèque Éric-de-Dampierre.

Dans le contexte des missions Griaule des années 1930, ce blason automobile évoque non seulement la force et la vélocité communes de l’antilope walou et de la camionnette du même nom, mais elle témoigne également de l’intérêt privilégié des ethnographes pour les masques dogon. La peinture originale illustre d’ailleurs la thèse de Marcel Griaule, Masques dogons, publiée en 1938 (voir fig. 182D p. 639).

 

(1) Sur ces questions, voir aussi les travaux suivants : dossier « Archives et anthropologie » établi par Jean Jamin et Françoise Zonabend (Gradhiva, 30/31, 2001/2002) ; numéro thématique « L’ethnologue aux prises avec les archives » dirigé par Antoinette Molinié et Marie-Dominique Mouton (Ateliers du LESC, 32, 2008, https://ateliers.revues.org/1093) ; « Ethnographiques : Présence et questionnement des collections d’ethnographie », dirigé par Marc Rochette et Guillaume Fau, Revue de la Bibliothèque nationale de France, n° 45, 2012.