Ambara Dolo
Le jeune collaborateur des années 1930
Lors du passage de la mission Dakar-Djibouti en pays dogon à l’automne 1931, Ambara est d’abord l’informateur et l’interprète de Michel Leiris, au tout début de ses enquêtes sur la société des masques. Leiris, qui travaille avec lui pendant une dizaine de jours, le dépeint en jeune homme d’esprit fin et ouvert, au verbe facile, capable de fournir « une première vue panoramique des croyances et institutions » [5]. Marcel Griaule, qui le récupère ensuite comme interprète et informateur, dresse de lui un portait similaire [6]. Familier des Blancs, mais respectueux des traditions locales, ce collaborateur disert devient donc, aux yeux des ethnographes, l’interlocuteur idéal pour amorcer une enquête ou pour débrouiller une question compliquée avec des spécialistes mieux informés.
À l’instar de son camarade d’âge, l’ancien tirailleur Apama Dolo, Ambara se prête à toutes les demandes des Blancs qui le paient, mais sans obséquiosité et sans renoncer à son tempérament séducteur, nonchalant et fantasque. En 1931, il participe aux séances de photographies anthropométriques, taille de mémoire un rhombe de dimension exceptionnelle observé à Yougo-Dogorou [7] et apporte discrètement aux ethnographes des fibres de masques prélevés dans les cavernes. En revanche, lors de la « tournée » de 1931 le long de la falaise, il refuse de porter autre chose qu’une « lampe tempête et le grand ballot d’effets personnels qu’il a en bandoulière » [8] afin de ménager sa dignité.
Lors de l’expédition Sahara-Soudan de 1935, Ambara est à la fois le guide et l’interprète privilégié d’Hélène Gordon. Celle-ci exige d’ailleurs qu’il reste auprès d’elle « en toute circonstance » [9]. Selon les propos rapportés par un voyageur de passage à Sanga, Griaule, au cours de cette mission, a conscience qu’Ambara cherche toujours à répondre dans le sens attendu par les ethnographes pour mieux les satisfaire, mais pour pallier à ce travers, il évite de poser des questions susceptibles d’orienter les réponses [10]. Après le départ de Gordon, Ambara devient pendant plusieurs mois le principal informateur adulte de Denise Paulme [11]. Celle-ci dresse à son tour un portrait contrasté de ce collaborateur « précieux », « rusé » et « indolent » : elle semble convaincu de l’exactitude des informations qu’il fournit, mais suggère que ses interprétations, très personnelles, sont en grande partie fantaisiste [12].
Pendant la mission Ganay-Dieterlen, de mars à octobre 1937, Ambara est l’un des principaux interprètes de Solange de Ganay [13]. Présent lors de toutes les « tournées » régionales des ethnographes depuis 1931, il accompagne enfin les membres de la mission Lebaudy-Griaule jusqu’à la frontière est du pays dogon, en pays kouroumba, de décembre 1938 à janvier 1939 [14].