Ambara Dolo
De l’écolier au contremaître : premières expériences coloniales
Originaire du quartier Amtaba d’Ogol-Donyou à Sanga, Ambara Dolo est né vers 1901 selon la double fiche biographique que lui consacre Michel Leiris en 1931 [1]. De 1915 à 1919, il est l’un des premiers élèves de l’école préparatoire de Sanga, construite vers 1911. En 1920, à la fin du cycle primaire, le commandant de cercle de Bandiagara le désigne pour poursuivre ses études à l’école régionale de Bamako, mais, pour échapper à cette obligation, il se sauve à Konna, dans le cercle de Mopti, pour y vivre de petits travaux. Après être revenu à Sanga dès 1922, il est contraint de partir un an à Bamako, entre 1930 et 1931, pour y effectuer les prestations en travail réclamées par l’administration coloniale. En raison de son niveau scolaire et de sa connaissance du français, les responsables de son camp de travail le nomment surveillant d’un groupe de manoeuvres chargés de construire des logements en briques crues. Toutefois, une autre version fournie par Denise Paulme le présente comme contremaître travaillant pour le chemin de fer [2].
Il revient à Sanga vers juin 1931, quatre mois environ avant l’arrivée de la mission Dakar-Djibouti. À l’instar des migrants dogon, Ambara Dolo joue les dandys à son retour : pour séduire ou impressionner, cet élégant jeune homme parade quotidiennement avec des costumes et des accessoires européens ayant valeur d’objets de prestige. Dans son journal Michel Leiris évoque ainsi à plusieurs reprises, avec un mélange d’amusement et d’admiration, le parapluie d’Ambara, son pantalon blanc, sa belle redingote noire à boutons verts et son calot militaire bleu horizon [3].
Ses expériences scolaires et urbaines, sa volonté de briller ainsi que son emploi récent de surveillant ou de contremaître au service des colonisateurs expliquent en partie son rôle ultérieur d’interprète, d’informateur, d’enquêteur, de guide et, en définitive, de complice des nombreux ethnographes qui se sont succédé à Sangha. Lors des enquêtes auxquelles il participe, il profite d’ailleurs de l’autorité et du prestige que lui confèrent sa maîtrise du français, ses vêtements européens et sa position de collaborateur privilégié des Blancs pour exercer des pressions, voire des menaces, sur les informateurs jugés trop timorés, en particulier lorsqu’il accompagne les ethnographes lors de leurs tournées régionales. Dans un long discours introductif, Ambara réclame par exemple « la vérité au nom de la France et de la cravache du garde de cercle » [4] lorsqu’en 1935 il s’adresse aux dignitaires de Guimini interrogés par Denise Paulme et Deborah Lifchitz.