André Schaeffner
Missions et publications
Les missions Dakar-Djibouti et Sahara-Soudan sont décisives dans la trajectoire de Schaeffner, mais de façon paradoxale. Elles représentent, à travers les méthodes utilisées et les collectes réalisées, une découverte de l’ethnographie qui nourrit toute l’oeuvre ultérieure de Schaeffner. Celui-ci participe ainsi activement aux réalisations muséographiques de son institution, en organisant par exemple des concerts de musique enregistrée destinés à accompagner les expositions temporaires. Il investit plus globalement le domaine de l’ethnologie en France et met en place un réseau important d’« ethnomusicologues » étrangers (Erich Von Hornbostel, Jaap Kunst, Curt Sachs avant son arrivée en France) avec lesquels il entretient une correspondance régulière. Ses travaux musicologiques (Schaeffner n’a jamais cessé d’écrire sur Debussy ou Stravinsky par exemple) révèlent par ailleurs l’importance d’une réflexion sur les apports de l’ethnologie à la musicologie générale, en montrant par exemple sur le plan organologique – qu’il s’agisse d’instruments exotiques ou d’instruments du Moyen Âge occidental – que la répartition des instruments révèle au moins en partie la division d’une société.
Les matériaux accumulés pendant les deux missions africaines des années 1930 n’ont pourtant pas été utilisés comme Schaeffner l’avait prévu. D’une part, son travail monographique sur les Dogon reste inabouti, sans doute en raison de tensions croissantes avec Griaule et de désaccords devenus profonds à la veille de la guerre [5]. D’autre part, le livre important publié en 1936 et consacré aux instruments de musique, ne renvoie que ponctuellement à l’expérience ethnographique directe de son auteur : il est principalement construit à partir d’un vaste dépouillement bibliographique, assurant une portée universelle à la réflexion sur l’origine et le développement des instruments [6]. Il faut donc mesurer l’ampleur du travail réalisé par Schaeffner dans le domaine de l’ethnologie musicale, au coeur duquel l’ethnographie est déterminante, sans chercher les résultats directs des enquêtes dans différentes publications ; c’est au contraire de façon plus globale et diversifiée qu’une rencontre singulière entre la musicologie et l’ethnologie a donné un visage durable à l’ethnomusicologie en France [7].