Cinéma ethnographique
Première tentative de film par Marcel Griaule (1928)
Dès les préparatifs de sa première mission de 1928-1929, Marcel Griaule prévoit d’emporter une caméra performante [4] sur son terrain éthiopien afin d’y réaliser un film ethnographique, en dépit de son inexpérience cinématographique, d’un budget limité et d’une équipe réduite. Pour acquérir ce matériel coûteux et pour bénéficier de la présence d’un caméraman, il cherche de nouveaux financements, approche la société Gaumont et contacte le mécène Albert Kahn par le biais de Jean Brunhes, directeur scientifique des Archives de la Planète [5]. Toutefois, ses démarches restent vaines : dans une lettre datée du 5 août 1928, Griaule annonce que « les maisons de cinéma ne marchent pas », arguant de « difficultés insurmontables », tandis que la piste Kahn se referme également en raison de l’indisponibilité des opérateurs travaillant pour les Archives de la Planète [6].
En définitive, Griaule ne dispose sur le terrain que d’une caméra d’occasion avec téléobjectif, cédée par Gaumont. Pour la conservation des films, il possède aussi une « petite machine à glace » fabriquée par son unique coéquipier, le menuisier Marcel Larget [7]. En revanche, les documents disponibles ne livrent aucune information sur les scènes filmées, sur leur métrage et sur l’identité du caméraman, à l’exception d’une photographie de Larget en train de filmer des porteurs de chaume [8].
Après le retour de Griaule, sa correspondance et ses rapports dactylographiés [9] révèlent simplement l’existence d’un film tiré de sa première mission, mais ces images animées ne seront jamais exploitées ou projetées en public, sans doute en raison de leur médiocre qualité.
Avec ce projet de film, Griaule vise probablement un double objectif : d’une part, tout enregistrer avec le matériel le plus performant pour répondre aux injonctions d’exhaustivité de son professeur et mentor, d’autre part, donner de l’ethnologie (et de lui-même) une image vivante, dynamique et moderne. Dans une lettre de recommandation jointe aux demandes de Griaule, Marcel Mauss souligne d’ailleurs que les films cinématographiques sont aujourd’hui des documents « indispensables » et coûteux exigeant un effort financier supplémentaire [10]. Pourtant, dans ses cours d’ethnographie descriptive, Mauss insiste rarement sur l’utilité de l’enregistrement filmique [11].