L’histoire singulière de la collection Lebaudy-Griaule
La collection au château-musée de Cabrerets
Au retour de l’expédition, la collection de Jean Lebaudy est destinée à être exposée dans son château transformé en musée à Cabrerets, bourgade qui jouit d’une renommée internationale depuis la découverte en 1922 des peintures préhistoriques de la grotte du Pech Merle.
Acquise par l’industriel en vue d’assurer sa protection et son aménagement, cette grotte fut couplée dès 1929 avec un musée de préhistoire régionale, également propriété du mécène[8]. Aménagé dans les écuries du château, ce musée se révèle progressivement trop exigu. Aussi, Jean Lebaudy décide en 1938 de l’installer dans les salles du château.
Avec ce nouveau musée qui prend forme dès 1942, apparaît chez Lebaudy la volonté de transmettre ses passions, la préhistoire et l’Afrique. Avec l’aide de son ami Marcel Griaule, il va se lancer dans un ambitieux projet muséal, véritable centre d’étude de préhistoire du Quercy et d’ethnographie africaine[9]. L’expédition Niger-Lac Iro en constituera le premier jalon.
Ainsi, aux côtés d’objets préhistoriques, Marcel Griaule aménage la collection africaine[10] constituée de reproductions de peintures rupestres dogon, de masques et de divers objets collectés en 1938-1939, lors de la mission Lebaudy-Griaule / Niger-Lac Iro[11].
La présence de ce fonds africain au sein d’un musée de préhistoire trouve sa pertinence dans le comparatisme ethnographique auquel les préhistoriens recouraient pour éclairer la signification des peintures pariétales[12]. Outre ces raisons scientifiques, l’exposition de cette collection au château-musée s’explique par la volonté de Jean Lebaudy de faire prendre conscience aux citoyens français de la richesse des cultures africaines. À l’image du musée de l’Homme, cette institution associe recherche et pédagogie populaire. L’exposition didactique a pour finalité la démonstration, sans exclure le plaisir esthétique.
En 1962, à mesure que disparaissent les acteurs du projet, Jean Lebaudy renonce au musée mais souhaite que l’action subsiste. Sur le conseil de Solange de Ganay, sa belle-sœur, il cède la collection africaine à l’Institut d’ethnologie de l’Université de Strasbourg avec l’assurance qu’elle y serait exposée intégralement[13]. De Ganay avait en effet été informée par son ami le Professeur Dominique Zahan de l’installation de l’Institut dans de spacieux locaux. Les objets y sont transférés en 1964[14] avec pour clause de rester fidèle aux objectifs du musée : servir à l’enseignement et à l’éducation du public[15].