Ethnozoologie
Chasses et trophées
L’attachement pour ces deux tortues, et pour quelques autres bêtes rapportées vivantes, coexiste avec des pratiques cynégétiques plus classiques. Journaux intimes, carnets de terrain et photographies dévoilent d’ailleurs le goût de nombreux ethnologues pour la chasse. Le cas le plus frappant est sans doute celui de la comtesse Solange de Ganay, aristocrate passionnée de safaris et convertie à l’ethnologie, qu’elle considère comme « une chasse au document sans merci, tout aussi sportive, et encore plus passionnante que l’autre »[4].
Cette carrière singulière explique sans doute qu’elle se soit spécialisée dans la recherche ethnozoologique avant la guerre, formulant à l’époque le projet, inachevé, d’écrire un ouvrage intitulé Bêtes et plantes du pays dogon. Mais la plupart de ses collègues masculins sont eux aussi des chasseurs passionnés, voire acharnés, et ils joignent l’utile à l’agréable en transformant leurs proies en spécimens zoologiques. Près de deux cents oiseaux sont par exemple naturalisés en Éthiopie, lors de la mission Dakar-Djibouti. Les chasses aux papillons et autres bestioles sont également fructueuses : des milliers d’insectes sont collectés au cours de chaque mission[5]. L’intérêt des ethnologues pour la faune africaine ne se réduit cependant pas à ces rôles de capteur ou de chasseur. Autour de la notion de spécimen, la logique de l’inventaire naturaliste rencontre celle de la sauvegarde ethnologique[6].