Gaston-Louis Roux
Peintre officiel de la mission Dakar-Djibouti
En 1931, Gaston-Louis Roux se voit offrir la possibilité de partir en Afrique en tant que « peintre officiel » de la mission Dakar-Djibouti.
Sa participation se décide lors d’une soirée chez Picasso durant laquelle Michel Leiris expose le programme de la mission en insistant sur l’intérêt de contempler les « idoles dans leur élément naturel » tout en vivant une vie sauvage et pleine de dangers. « […] À écouter parler Michel Leiris, Roux ne [tient] plus en place [4]» et propose ses services de peintre. Cette décision est motivée par un contexte économique défavorable pour le marché de l’art, au détriment des artistes les plus jeunes, comme Roux. Pour Kahnweiler ce départ dénote « un désarroi » [5], parce que quelque chose dans la vie de Roux l’avait « désaxé ». Dominique Lecoq précise que « Gaston-Louis Roux se trouvait dans un moment de trouble où l’avait plongé une peinture figurative qu’il venait d’achever et qui tranchait fortement sur le style qu’il affirmait depuis l’exposition de 1929 à la galerie Simon [6] ». Toutefois, Roux n’en est « nullement conscient [7]» comme il l’expliquera lui-même trente ans plus tard.
Roux se prépare au voyage en lisant les récits de l’Écossais Bruce qui durant deux ans a parcouru l’Éthiopie. Il se renseigne sur la peinture de ce pays et, à la demande de Griaule, il réalise à partir de photographies un portrait équestre du Ras Haylou dans un style purement éthiopien. Le 18 mars 1932, il embarque à Marseille avec la linguiste Deborah Lifchitz qui sera sa compagne de route jusqu’à ce qu’ils rejoignent la mission. De Djibouti, ils se rendent à Addis-Abeba où ils constituent une caravane pour rejoindre Zaghié.
Dans un climat politique tendu, ils font face à l’assassinat du colonel italien Peluso dont le cadavre est apporté à Gaston-Louis Roux qui se voit contraint d’enterrer le corps avant de devoir l’exhumer pour que celui-ci soit enterré à Gondar [8].
Le 10 juillet 1932, Roux et Lifchitz arrivent à Gondar, où stationne la mission. Roux se met au travail. Il réalise dans un style éthiopien des peintures à l’huile qui servent à montrer aux prêtres de l’église d’Abba Antonios la supériorité de cette technique, résistante aux outrages du temps. L’objectif est de leur faire accepter le démarouflage des oeuvres picturales anciennes de l’église au profit de nouvelles. L’affaire étant conclue, Roux et Griaule démarouflent 60 m2 de peintures murales abyssines datées de la seconde moitié du XVIIe siècle, destinées au musée du Trocadéro. Roux est chargé de reproduire les peintures, aidé de peintres locaux et de certains membres de la mission.
Il entame également des enquêtes sur les artistes et le style éthiopien, en interrogeant notamment le prêtre Kassa, qui est lui-même peintre [9]. À la demande de Griaule, une fois les fresques terminées, Gaston-Louis Roux peint des paysages « pour avoir des documents de couleurs sur les magnifiques ruines du XVIIe siècle qui se trouvent à Gondar [10]». Durant son temps libre, il chasse quelques oiseaux, qu’il naturalise pour le Muséum national d’histoire naturelle.
Roux attend le rétablissement de Lifchitz pour quitter Gondar le 14 décembre, neuf jours après les autres membres de la mission. Tous deux rejoignent le reste de la mission le 30 décembre et l’ensemble de l’équipe embarque à Djibouti le 7 février 1933, avant d’arriver à Marseille dix jours plus tard.