Mamadou Keita
L’apprentissage de l’ethnographie
Durant les six mois suivants, Mamadou Keita accompagne les membres de la mission lors de leur périple transafricain. Griaule, qui veut faire de lui un « grand ethnographe », projette même de le ramener en France et c’est Mouchet qui se charge de son apprentissage linguistique et ethnographique, lors de son séjour à Mopti. Selon les circonstances, Mamadou Keita est donc interprète, boy ou enquêteur.
Malheureusement, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes de Griaule : entre Mopti et le Cameroun, le jeune écolier ne glane que quelques informations éparses qu’il rapporte à d’autres ethnographes ou qu’il consigne lui-même sur une poignée de fiches. Pour vanter la collaboration entre les membres de Dakar-Djibouti et « les éléments indigènes », le premier rapport général de la mission affirme néanmoins que Mamadou Keita « s’est révélé capable d’effectuer seul de petites enquêtes ethnographiques » [4], mais Griaule et Leiris reconnaissent en privé qu’il n’a pas l’étoffe d’un ethnographe. Au regard de son âge et de sa couleur de peau, il pouvait difficilement en être autrement dans un contexte colonial : si les écoliers sont des informateurs dévoués et enthousiastes vis-vis de leur employeurs blancs, ils n’ont pas l’autorité pour jouer eux-mêmes les enquêteurs selon les méthodes employées par Griaule [5].
Licencié par Griaule, Mamadou Keita se sépare de la mission à Yaoundé, le 19 février 1932. André Schaeffner, qui retourne en France, le reconduit en bateau jusqu’à Dakar avant de le mettre dans un train pour Bamako [6]. On perd ensuite la trace de cet apprenti ethnographe formé par la mission.