Manuscrits éthiopiens
Les enquêtes thématiques des lettrés éthiopiens
Lors de ses deux séjours éthiopiens, Marcel Griaule applique les recommandations de Marcel Mauss en confiant des carnets vierges à des lettrés éthiopiens afin qu’ils consignent eux-mêmes, en amharique, les résultats de leurs enquêtes ou de leurs recensements. Il décrit d’ailleurs ce procédé dans un article qui correspond à la traduction littérale du manuscrit de son guide Lidj Djemberi sur « Le Mariage et la mort au Godjam » : « Au cours de la mission que j’ai effectuée en Abyssinie dans les années 1928-1929, j’ai employé, entre autres méthodes d’information, celle qui consiste à faire écrire l’indigène sur un sujet donné : la moisson, le deuil, le marché, etc., ou à le laisser choisir et décrire ce qui lui convient. Je distribuais dans ce but aux personnages qui me paraissaient intéressants des carnets qu’ils me rapportaient quand bon leur semblait et que je traduisais séance tenante quand j’en avais le loisir, devant mon personnel et l’auteur […] »[3]
Lors de l’expédition Dakar-Djibouti, Griaule adopte la même méthode à partir de la frontière soudano-éthiopienne. En mai 1932, il confie trois carnets vierges à un certain Ababa Gared. Le premier (ms. BnF Eth. 598) se présente sous forme de fiches décrivant successivement des pathologies (fol. 1-30) et leurs remèdes puis, selon un ordre inverse, des plantes médicinales et les affections qu’elles soignent (fol. 32-59). Les deux autres (ms. BnF Eth. 604 et Eth. 624) sont des recueils de proverbes, devinettes et contes. Ces trois carnets furent ensuite traduits à Gondar par l’un des interprètes de la mission, Chérubin, un jeune Éthiopien qui avait reçu une éducation francophone dans une école missionnaire catholique.