Mission Abyssinie
Les préparatifs
Pour reconstituer la genèse de cette première mission Griaule, il faut remonter à la formation linguistique et ethnographique de son chef. En 1923, après son départ de l’armée de l’air, Marcel Griaule commence à apprendre deux langues éthiopiennes – l’amharique et le guèze – en assistant aux cours de Marcel Cohen à l’École pratique des hautes études (EPHE) et à l’École nationale des langues orientales vivantes. L’année suivante, il suit également les conférences de Marcel Mauss à l’EPHE, puis s’inscrit à l’Institut d’ethnologie dès sa création, fin 1925. Enfin, de 1926 à 1927, il met à profit les leçons de ses deux professeurs et mentors – Cohen et Mauss – pour s’exercer à l’enquête orale chez lui, à Boulogne-Billancourt, auprès de quelques Éthiopiens de Paris. De ces entretiens, il tire d’ailleurs plusieurs articles, en particulier une petite monographie religieuse sur la région éthiopienne du Bégamder, publiée quelques mois avant son départ pour le Godjam [1].
La recherche de financements débute en janvier 1928 et, en quelques mois, Griaule parvient à réunir 130 000 francs environ grâce à des subventions aussi bien publiques que privées [2]. Il espérait toutefois disposer d’un budget supérieur pour pouvoir entreprendre une mission plus ambitieuse en termes de matériel et de participants, et il doit donc revoir ses prétentions à la baisse. Pour son équipement scientifique, il se contente par exemple d’une caméra d’occasion et de deux appareils photographiques après avoir renoncé au « matériel moderne » qu’il convoitait (phonographe enregistreur, photographies couleur, caméra de qualité…). Quant au matériel de campement, il est fabriqué en grande partie par Marcel Larget. Afin de mobiliser des compétences complémentaires, Griaule comptait également sur la participation de plusieurs coéquipiers : un naturaliste, un géographe, un journaliste et le peintre Agagnahou Engeda – son principal informateur lorsque cet étudiant éthiopien résidait à Paris –, mais Marcel Larget est en définitive son seul compagnon de voyage. Par ailleurs, pour ne pas empiéter sur les fouilles archéologiques du Père François Bernardin Azaïs, Griaule est contraint d’abandonner le volet « préhistoire » de ses recherches, à la demande du ministère de l’Instruction publique.