Mission Paulme-Lifchitz
Les méthodes d’enquête, de collecte et de notation
Aussi critiques que Denise Paulme et Deborah Lifchitz aient été à l’encontre de Marcel Griaule, elles ont repris à leur compte certaines des conceptions et méthodes qu’il avait exprimées et mises en oeuvre au cours des missions Dakar-Djibouti et Sahara-Soudan. Après avoir choisi la plupart de leurs informateurs parmi ceux de Marcel Griaule, elles ont ainsi en grande partie adopté le mode de relation qu’il entretenait avec eux. Comme lui, elles ont en effet pleinement assumé la position d’autorité dans laquelle le contexte colonial les plaçait, et l’ont plus particulièrement investie lors de leurs « tournées » dans les villages voisins de Sanga. Au cours de ces tournées, elles mènent des enquêtes au déroulement parfois pénible, dont elles tentent de restituer l’atmosphère conflictuelle à travers des fiches significativement intitulées « procès-verbal ». Ces excursions leur ont par ailleurs permis de collecter la plupart des cent quatre-vingts objets qu’elles ont rapportés au Musée d’ethnographie du Trocadéro : des objets tantôt achetés, tantôt dérobés et tantôt reçus en guise d’ « amendes », comme en réparation du silence ou des « mensonges » de leurs informateurs.
Deborah Lifchitz et Denise Paulme réalisent néanmoins une mission beaucoup plus longue que celle de Marcel Griaule et de son équipe. Or, rester sept mois de plus à Sanga leur donne la possibilité de nouer de véritables liens avec la population. À mesure que le temps passe, les deux ethnologues ne se soucient plus autant d’accumuler des objets et des informations ou de découvrir de nouveaux secrets, mais profitent simplement de la compagnie de ceux dont elles sont devenues très proches. À cet égard, la mission Paulme-Lifchitz marque pleinement le passage d’une enquête extensive, comme le fut encore celle menée par les membres de la mission Sahara-Soudan, à une enquête intensive, d’immersion et de longue durée.