Mission Sahara-Soudan
Les préparatifs
Après Dakar-Djibouti, Marcel Griaule consacre sa mission suivante à la seule étude des Dogon du Soudan français, mais sans abandonner l’idée d’une expédition collective et autonome conjuguant rigueur scientifique, innovations méthodologiques et traversée aventureuse. Plusieurs raisons expliquent le choix de cette population : la disqualification du terrain éthiopien pour des raisons politiques et personnelles, l’accueil bienveillant des autorités du Soudan français en 1931, et enfin les recherches fructueuses menées la même année en pays dogon. Dès 1932, les rapports ou la correspondance de la mission Dakar-Djibouti plaçaient d’ailleurs les Dogon au coeur des travaux à poursuivre. En outre, la société dogon est l’objet d’étude idéal selon les critères et les stéréotypes de l’époque : elle fait figure en effet de société isolée, figée et préservée, vierge de toute contamination extérieure. Quatre des sept membres de Sahara-Soudan – Marcel Griaule, Marcel Larget, Éric Lutten et André Schaeffner – ont déjà une expérience du terrain dogon pour avoir participé à l’expédition Dakar-Djibouti. Solange de Breteuil et Hélène Gordon sont des bénévoles du Musée d’ethnographie du Trocadéro, et Roger Mourlan est l’opérateur cinématographique de la mission.
Le financement de Sahara-Soudan est bouclé très rapidement, sans recours aux sponsors ou au lobbying politique, grâce à un budget relativement modeste et aux dons importants de Marie Bonaparte [1] (50 000 francs) et de Solange de Breteuil (18 000 francs). Parmi les autres contributions privées et publiques, on peut mentionner le ministère de l’Éducation nationale (20 000 francs), le ministère des Colonies (10 000 francs), David David-Weill (5 000 francs), l’Académie des inscriptions et belles-lettres (5 000 francs), l’Académie des beaux-arts (4 000 francs), Hélène Gordon (4 000 francs) et l’Association française pour l’avancement des sciences (3 500 francs). Parce qu’elles voyagent à l’aller avec les voitures de la mission Sahara-Soudan, Denis Paulme et Deborah Lifchitz offrent en outre 8 000 francs, prélevés sur la bourse Rockefeller de Paulme. Ces recettes – un peu plus de 125 000 francs – permettent d’acheter deux camionnettes Renaud, trois fusils de chasse, trois caméras 35 mm (Kinamo, Bell and Howell et Debrie interview), un phonographe enregistreur à cylindres, six appareils photographiques (dont trois Leica et trois boitiers moyens ou grands formats) et l’ensemble du matériel de campement.