Mission Sahara-Soudan
Les résultats scientifiques et médiatiques
Pour le Musée d’ethnographie du Trocadéro, la mission Sahara-Soudan collecte un peu plus de 350 objets, dont une majorité de masques anciens et de statuettes. Elle rapporte également, pour le Muséum national d’histoire naturelle, une tortue terrestre vivante ainsi qu’un herbier de 78 plantes et 135 insectes. 2 600 photographies sont prises à des fins d’illustration ou de projection didactique, essentiellement par Lutten et Griaule, tandis que Shaeffner enregistre de nombreux rythmes de tambour et quelques chants de chasseurs. Quant à Mourlan, il tourne des centaines de mètres de films qui, quelques années plus tard, serviront à produire cinq courts-métrages dont les plus connus sont : Au pays des Dogons (1940) et Sous les masques noirs (1940). Durant leurs enquêtes, les membres de la mission rédigent plus de mille fiches ethnographiques et deux d’entre eux établissent une carte de la « topographie sacrée » de la région de Sanga. Les données recueillies alimenteront de nombreuses publications scientifiques, en particulier la thèse principale de Griaule sur les masques dogon, parue en 1938 [2], mais, de cette mission collective, il ne résultera finalement aucun article ou ouvrage commun en raison de l’abandon du projet de livre sur le totémisme et des tensions croissantes entre Griaule et Schaeffner.
Aux résultats scientifiques, il faut ajouter les retombées médiatiques suscitées par les vingt-sept articles de presse et les six conférences radiophoniques de Griaule, Gordon et Schaeffner. Pour la première fois, deux membres de la mission – Marcel Griaule et Hélène Gordon - se transforment en reporters pour des journaux ou des magazines grands publics en publiant sous leur nom, soit des reportages photographiques, soit des séries de récits sur leur voyage transsaharien ou leur travail en pays dogon. Ces interventions médiatiques tentent de donner une image attrayante et moderne de l’ethnologie et des ethnographes, mais elles témoignent aussi les passerelles entre ethnographie, littérature et reportage au milieu des années 1930. En février 1935, Griaule vient d’ailleurs de recevoir le prix Gringoire pour le récit romancé de sa première mission éthiopienne. Et juste après cette mission, Hélène Gordon, élève de l’Institut d’ethnologie, embrasse une carrière de journaliste sous le nom d’Hélène Lazareff.