Vivants objets
Objets collectés, savoirs construits en contexte colonial
Au début des années 1930, Griaule et son équipe visaient un inventaire complet de la culture matérielle des sociétés traversées, mais le volume et la nature des informations réunies variaient malgré tout en fonction des objets recueillis. Prenant parfois des allures de rafles massives et d’investigations policières, surtout dans les colonies françaises, les collectes et les enquêtes menées au cours de la mission Dakar-Djibouti reflétaient par ailleurs le contexte politique et scientifique d’une expédition plus souvent extensive qu’intensive, dont les deux objectifs principaux étaient de compléter les collections du musée du Trocadéro et d’archiver dans l’urgence des sociétés menacées. De telles méthodes traduisaient également l’autorité, voire l’impunité, de chercheurs européens mandatés par la métropole.
Élaborées au cours d’« interrogatoires » reproduisant plus ou moins le rapport de force entre Blancs et Africains colonisés, les données réunies autour des objets collectés exigent aujourd’hui d’être revisitées par les chercheurs, les créateurs et les usagers des sociétés qui les ont produit, ou plus généralement par les artistes et les intellectuels qui souhaitent interroger les conditions politiques et sociales de la production du savoir ethnographique. Dès lors, il ne s’agit pas seulement de corriger ou de compléter des informations, mais de les historiciser et d’évaluer leurs biais, leurs limites, leur valeur heuristique dans la perspective d’une critique des missions dites « scientifiques » de la période coloniale.