Les collectes d’objets ethnographiques
Le manuel de collecte publié en 1931
Au début du mois de mai 1931, quelques jours avant le départ de la mission Dakar-Djibouti, celle-ci publie, en collaboration avec le Musée d’ethnographie du Trocadéro, une brochure d’une trentaine de pages intitulé Instructions sommaires pour les collecteurs d’objets ethnographiques [1]. Financé par les recettes du gala de boxe organisé le 15 avril au Cirque d’Hiver [2], ce petit manuel a été rédigé anonymement par Michel Leiris à partir des notes manuscrites prises en 1926 par Marcel Griaule pendant les cours d’ethnographie descriptive de Marcel Mauss à l’Institut d’ethnologie [3]. Il présente une méthode rigoureuse pour sélectionner, étiqueter, classer, emballer et documenter les objets exotiques recueillis sur le terrain et offerts au Musée d’ethnographie du Trocadéro.
De telles instructions s’adressent non seulement aux chercheurs formés par l’Institut d’ethnologie, mais aussi aux collecteurs occasionnels, qu’ils soient missionnaires, administrateurs coloniaux ou simples voyageurs. Au cours de leur mission, les membres de Dakar-Djibouti appliquent au moins en partie les méthodes qu’ils ont eux-mêmes préconisées et distribuent ce livret aux Européens croisés sur leur chemin.
Coédité par la mission Dakar-Djibouti et le Musée d’ethnographie, cette publication illustre l’importance de la muséographie et des questions méthodologiques dans le développement de l’ethnologie française au début des années 1930. En quête de reconnaissance, la discipline veut démontrer sa scientificité et sa singularité en se dotant de méthodes spécifiques définies dans un cadre universitaire. Et pour des raisons similaires, elle cherche aussi à transformer le Musée d’ethnographie en vitrine populaire et médiatique de l’ethnologie.
Sur une initiative de Marcel Griaule, les Instructions sommaires pour les collecteurs d’objets ethnographiques seront republiées par extraits en 1935, sous le titre « Principes et pratiques de l’ethnographie », dans neuf numéros du quotidien La Nouvelle Dépêche, journal spécialisé dans l’actualité coloniale [4]. Les lecteurs visés sont bien sûr les fonctionnaires coloniaux, pourvoyeurs potentiels d’objets ethnographiques, mais Griaule, en diffusant ce texte, tente là encore d’accroître la visibilité et la popularité de l’ethnologie.