Michel Leiris
Jazz en Seine
La découverte du jazz – musique pour laquelle Leiris s’était très tôt passionné à la fin de la Première guerre mondiale – lui avait permis sinon de penser du moins de ressentir cette présence de l’autre en soi. Ce fut en somme un de ses premiers fantômes, mais un fantôme qui avait plus l’apparence d’un zombie que d’un spectre ou d’une ombre portée, autrement dit qui se trouvait doté d’une diabolique présence.
Selon la formule de Leiris, le jazz c’est bien « l’autre qui n’est pas tout à fait autre qui apparaît en vous [12] ». Les conditions de possibilité d’une anthropologie – c’est-à-dire une interrogation systématique et raisonné sur les faits de culture et de société – étaient là posées, par le détour, le décentrement, le dépaysement, par une sorte d’invitation au voyage, de marronnage culturel qu’au fond le jazz proposait à ceux qui savaient l’écouter, et qui pouvait les accompagner au cours de tout périple dans d’autres mondes.